L’autonomie du patient - mythe ou réalité ?

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Qu’est-ce que l’autonomie ?

Pour comprendre le concept d’autonomie, penchons-nous d’abord sur celui de liberté. La liberté est souvent comprise comme « ce dont tout le monde rêve et qu’il revendique pour soi-même ». Cependant, très vite, on s’aperçoit que la liberté qu’on sous-entend ne peut pas être absolue […] puisque limitée par l’environnement, d’abord naturel, ensuite social et culturel. […] En tant qu’êtres vivants, nous sommes des êtres relationnels. La liberté est toujours liberté relative, […] la liberté de l’un affronte celle de l’autre. […] La liberté est limitée par la liberté ! C’est un principe libéral.

Maintenant, ou bien on est limité par la liberté d’autrui, en quelque sorte de l’extérieur, […] ou bien en toute liberté, on s’autolimite. Nous voilà arrivés à l’autonomie. L’autonomie – auto nomos, se donner sa propre loi – n’est donc pas la liberté absolue mais la faculté et la liberté d’être son propre législateur, de s’imposer ses propres règles et de les respecter en toute liberté. 

Autonomie du patient, quelle réalité ?

Pour la place que doit avoir l’autonomie du patient en médecine clinique, il y a « au moins deux approches, le modèle le plus proche de la bioéthique classique du type libéral états-unien que j’appellerais “légal ou politique”, l’autre “moral ou éthique”, plus proche de l’éthique médicale traditionnelle, dialogale et européenne.

Légal ou politique

L’autonomie prise dans le sens "légal ou politique" traite le patient comme citoyen qui […] entre en négociation avec son médecin, pour lui demander une prestation. […] Il est évident que l’autonomie comprise de cette façon très libérale ne peut être qu’un idéal, rarement rempli en situation de maladie ou de handicap. […] Dans sa situation de dépendance et de souffrance, le patient a-t-il toujours les moyens pour s’autodéterminer ? […] La dépendance, la souffrance et l’atteinte à l’image de son corps altèrent l’autonomie du patient. […] L’autonomie parfaite n’existe donc pas, mais toute une échelle de degrés d’autonomie, de l’autonomie parfaite utopique, à travers une autonomie adéquate, l’assentiment, la non-opposition jusqu’à l’absence complète d’autonomie.

Ce déficit d’autonomie, à son tour, pourra être exploité [à de mauvaises fins]. Il ne tient pas assez compte des responsabilités éthiques qu’ont toutes les personnes impliquées dans une situation médicale complexe et difficile. Il envoie le choix éthique hors du champ médical, ou bien dans la sphère privée du patient, ou bien dans la sphère publique des tribunaux. […] C’est un glissement de l’éthique vers le droit. 

Moral ou éthique

L’autonomie dans le sens “moral ou éthique” comprend l’autonomie, ou la liberté, comme responsabilité. Elle tient compte du fait qu’il n’y a pas de liberté sans responsabilité […], l’autonomie renvoie à la responsabilité de chercher et de faire ce qui est conforme à la raison, ce qui est bien. […] L’art éthico-médical sera de trouver le bon équilibre entre les [quatre principes de la bioéthique : autonomie, justice, bienfaisance et non-malfaisance] en se mettant à la place de l’autre, juste pour le comprendre et non pas pour s’en saisir. Cette vision nous invite à travailler, là où c’est opportun voire nécessaire, en équipe et d’une manière pluri- et interdisciplinaire.

Conclusion

En situation clinique, pour prendre les bonnes décisions morales ou éthiques, il s’agira de mettre en interaction les différents principes de la bioéthique et de trouver le “bon” équilibre entre elles. L’autonomie comme dominante ou comme priorité voire exclusivité (« ce principe occupe aujourd’hui le devant des débats bioéthiques », cf. plus haut), cette autonomie est un mythe.

(Source : Armin KRESSMAN - www.ethikos.ch)

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